Les motifs de licenciement des agents publics : un état des lieux
Les réformes proposées par Stanislas Guérini remettent au centre des débats un sujet relativement sensible : le licenciement des agents publics.
En évoquant la possibilité d’assouplir les possibilités de licenciement au sein de la fonction publique, le Ministre a abordé un sujet “tabou” : la fonction publique est en effet souvent considérée comme une possibilité d’emploi “à vie”, où les agents ne courent aucun risque d’être licenciés.
Qu’en est-il dans les faits ? Un agent public peut-il être licencié, sous quelles conditions et pour quels motifs?
Les sanctions disciplinaires
Le licenciement est la plus grave des sanctions disciplinaires imposées aux agents publics titulaires.
La sanction appliquée tient compte du comportement passé du fonctionnaire mis en cause : ainsi, en 2022, un fonctionnaire dont le comportement fautif a perturbé à plusieurs reprises le bon fonctionnement de son service a été sanctionné par une exclusion d’une journée, pour une faute qui aurait été probablement été moins lourdement sanctionnée chez d’autres agents.
Les sanctions applicables aux fonctionnaires sont divisées en quatre groupes :
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Premier groupe (fautes légères)
Le fonctionnaire peut recevoir un avertissement ou un blâme par exemple.
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Deuxième groupe
Le fonctionnaire peut subir une baisse d’échelon, ou être exclu de ses fonctions pour une durée allant jusqu’à quinze jours.
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Troisième groupe
Le fonctionnaire peut être rétrogradé ou être exclu de ses fonctions pour une durée de seize jours à deux ans.
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Quatrième groupe
Le fonctionnaire est mis à la retraite ou licencié.
A noter que 700 rétrogradations ou exclusions temporaires ont été prononcées en 2022.
Les sanctions à caractère discriminatoire relèvent du droit pénal et peuvent être annulées par le juge administratif.
Le licenciement des agents publics
En théorie, une administration qui n’est pas satisfaite du travail fourni par ses agents peut parfaitement mettre fin à sa collaboration.
Les deux causes de renvoi d’un agent sont l’insuffisance professionnelle et le licenciement pour faute
L’insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle se définit par l’incapacité d’un agent à faire preuve des capacités professionnelles ou relationnelles nécessaires à son poste.
En d’autres termes, il s’agit la plupart des cas d’une erreur au moment du recrutement.
Le licenciement pour incompétence professionnelle est effectif après le passage de l’agent devant un conseil de discipline ; le fonctionnaire peut avoir accès à l’intégralité de son dossier, faire comparaître des témoins au conseil de discipline, et se faire assister par des défenseurs de son choix.
L’agent licencié pour insuffisance professionnelle a droit à des indemnités proportionnelles à la durée de sa carrière, basées sur
- le traitement du dernier mois d’activité
- l’indemnité de résidence
- le supplément familial de traitement
Par ailleurs, l’agent peut toucher les allocations chômage.
La faute disciplinaire dans la fonction publique
On peut qualifier de faute disciplinaire les comportements suivants :
- le non-respect des règles de discipline
- le refus de se conformer à un ordre
- le non-respect de l’obligation de discrétion et de loyauté
- les critiques et les menaces envers son institution, d’autres agents ou des usagers
- des erreurs graves commises dans l’exercice de ses fonctions
- un acte de harcèlement
La faute disciplinaire est un motif de licenciement sans préavis ni indemnité.
Quels recours en cas de licenciement d’un agent public ?
En cas de sanction, le fonctionnaire a la possibilité d’exercer un recours. Plusieurs possibilités peuvent être utilisées :
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Recours gracieux
Le fonctionnaire peut exercer un recours gracieux envers l’autorité : la décision est alors maintenue ou modifiée.
Quelle que soit la décision prise par l’autorité, elle doit être clairement justifiée.
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Recours devant une commission
Il est possible de demander un recours devant une commission spécialisée :
- la commission de recours devant le conseil supérieur de la fonction publique d’Etat
- le conseil de discipline de recours (spécifique à la fonction publique territoriale)
- le conseil de recours supérieur de la fonction publique hospitalière
Une recommandation peut être émise, mais l’autorité n’a pas l’obligation de l’exécuter.
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Recours devant un tribunal administratif
Il doit être présenté dans un délai de deux mois.
Le juge vérifie différents points : l’exactitude des faits reprochés, la responsabilité de l’agent etc.
Les licenciements de la fonction publique en 2022
En 2022, 13 agents ont été révoqués pour insuffisance professionnelle, et 222 licenciements pour faute ont été effectués.
86 licenciements pour faute ont été décidés pour «mauvaise qualité de service», ce qui correspond à 36,6 % des licenciements de fonctionnaires sur l’année 2022.
Un chiffre extrêmement faible en regard des 2,5 millions d’agents publics en France !
Dès lors, la proposition de Stanislas Guérini semble répondre à une certaine logique : dans le Parisien du 9 avril, il regrettait qu’on “ne puisse pas se séparer d’un agent qui ne fait pas son boulot”.
Pour autant, ces propos vont résolument à l’encontre du statut classique des agents publics : le droit à une carrière à vis est considéré comme un avantage acquis, qui compense un salaire relativement plus faible que dans le secteur privé (2431€ net mensuels dans le public vs 2524€ net mensuels dans le privé).
Des propos qui ont accéléré les projets de grève de la CGT qui devrait couvrir tous les JO de 2024.