Depuis mars 2022, c’est une petite révolution qui s’opère sur le plan des responsabilités financières sur les marchés publics Le comptable public était jusqu’alors responsable de la gestion des deniers publics et engageait à cet effet ses deniers personnels.
Le cautionnement n’étant plus d’actualité, le donneur d’ordres endosse désormais des responsabilités beaucoup plus importantes. Retour sur un transfert des responsabilités comptables dont les conséquences sont essentielles pour les donneurs d’ordres.
Situation précédente : une responsabilité importante pour les comptables publics
Le principe de cautionnement impliquait jusqu’alors une responsabilité forte du comptable public : celui-ci devait en effet engager ses fonds propres pour pallier d’éventuelles erreurs de gestion.
Une lourde responsabilité pour les agents comptables publics.
Rappelons que le cautionnement de l’agent comptable était défini par la Loi du 28 décembre 2011 : l’article 90 stipulait que le comptable public “est pécuniairement et personnellement responsable de sa gestion” ; et qu’il doit donc disposer de garanties. En 2012, le décret n°2012-1246 précisait que le comptable public avait l’obligation de constituer un cautionnement.
Ce cautionnement pouvait être de nature réelle, ou sous la forme d’une caution solidaire.
Le montant du cautionnement était défini selon des règles strictement définies : il était impacté par des indices détaillés dans l’arrêté du 4 mars 2019.
Cet état de fait était destiné à éviter les relations hiérarchiques entre le donneur d’ordres et le comptable public : en conférant à ce dernier une réelle autonomie sur la gestion des deniers publics, le principe de cautionnement impliquait de fait une importante responsabilité juridique et financière pour le comptable.
L’absence de lien hiérarchique entre le comptable et le donneur d’ordres induit par ailleurs une garantie de fiabilité et d’objectivité : le comptable n’”obéit pas à un ordre” mais vérifie des comptes externes.
Cette séparation marquée entre les donneurs d’ordres et les comptables permet également de limiter les risques de corruption : le comptable contrôle les comptes publics de façon parfaitement autonome et sera donc moins susceptible de commettre des irrégularités si le donneur d’ordre le lui suggère.
les ordonnateurs impactés : d’une logique de responsabilité financière à une logique de responsabilité managériale
Une ordonnance du 23 mars 2023 a remis en cause ce système de responsabilité et instauré une rénovation en profondeur. Le rôle de comptable n’est pas de payer mais de contrôler.
Cette ordonnance a
- supprimé le cautionnement : les comptables n’engagent plus leurs deniers personnels pour des chantiers publics
- supprimé les débets : la responsabilité du comptable n’est plus engagée.
- redéfini les fautes de gestion publique passibles de sanctions.
- redéfini les sanctions appliquées : ces sanctions sont désormais proportionnelles à la gravité des faits et à l’importance du préjudice.
Le traitement judiciaire est pris en charge par la Chambre des contentieux de la Cour des Comptes. Cette organisation était auparavant consacrée à la gestion des affaires en seconde instance ; elle est désormais sollicitée en première instance.
Une responsabilité managériale est donc mise en place en ce sens : les gestionnaires sont plus lourdement sanctionnés en cas d’erreur comptable, mais ne sont pas passibles de sanction s’ils sont en mesure de prouver qu’ils ont obéi aux ordres de leur supérieur hiérarchique.
Cette modification de procédure entraîne de facto une responsabilité accrue pour les donneurs d’ordres.
Une séparation des pouvoirs réaffirmée
Le principe de la séparation entre l’ordonnateur et le comptable est réaffirmé. “Les fonctions d’ordonnateur et de comptable public sont incompatibles” stipule un décret de novembre 2012.
Cette disposition est nécessaire, comme nous l’avons vu, pour une gestion des comptes objective et rigoureuse. Elle implique quelques obligations pour le comptable, notamment celle de ne pas pouvoir se présenter à des élections locales.